Pastoralisme alpin

(Dés)habillez-moi : de la tonte au prêt-à-porter

Par Guillaume LEBAUDY

  • La Laine des Alpes

    Christian DES TOUCHES

  • Pendant des siècles, la grande affaire du pastoralisme ovin en France fut la laine (aujourd’hui, il s’agit surtout de la viande, même si quelques éleveurs préservent et valorisent la qualité lainière de leurs cheptels). Celle des moutons des Alpes et de Provence intéressait particulièrement les industriels lainiers français en raison de sa grande qualité.

    Commandé, au début des années 1960, par le Comité national interprofessionnel de la laine et la Fédération nationale ovine, ce film, réalisé par le grand expert lainier Christian des Touches, nous montre le parcours de la laine, de la bergerie où sont tondus moutons, agneaux, béliers et brebis jusqu’aux ateliers et salons parisiens où ont lieu les très sélects défilés de mode, notamment chez Guy Laroche et Lanvin. Images de deux mondes que tout sépare (et pourtant reliés par un fil de laine) ; les bons visages des éleveurs paysans burinés par les grands froids, les travaux des champs et le soleil, tranchent avec ceux des modèles, élégants mais pâles.

    Le film nous montre aussi les outils traditionnels (le peigne à carder, le rouet) les usages locaux de la laine et les gestes lents et patients des Alpins qui contrastent avec le traitement industriel des grandes filatures du sud-est.

    La laine des Alpes est d’abord un film didactique tourné à l’intention des éleveurs alpins afin de leur faire prendre conscience de la valeur de cette matière première issue de leurs moutons. Le film commence dans le Champsaur, au nord de Gap (Hautes-Alpes), chez des éleveurs d’Orcières et de Champoléon, propriétaires de petits troupeaux cantonnés l’hiver dans les bergeries où ils sont nourris au foin. Autrefois tondues avec des ciseaux (appelés forces), les bêtes sont désormais déshabillées de leurs toisons avec des tondeuses électriques selon une technique qui a toujours cours : la méthode Bowen où le mouton est assis entre les jambes du tondeur (tel qu’on le voit dans le film).

    Si, dans les années 1960, les éleveurs tondaient encore leurs troupeaux, c’est aujourd’hui l’affaire de spécialistes qui se déplacent en équipe de ferme en ferme. Les plus grosses équipes –  cinq à sept personnes – tondent les gros troupeaux des Alpes et de Provence. Un tondeur passe environ cent cinquante brebis par jour. Ces professionnels de la tonte ont constitué une association qui publie une revue opportunément appelée Déshabillez-moi. Certains tondeurs, parmi les plus doués, participent à des concours (ou speed shear) et des championnats où ils font assaut de vélocité et de savoir-faire. Comme chez les bergers, de plus en plus de femmes exercent ce métier ; elles ne souhaitent pas qu’on les appelle tondeuses (c’est le nom de leur outil), mais plutôt « tondresses », un nom qui fait écho à la douceur avec laquelle elles déshabillent ces nobles bêtes de leur toison.

    Extrait de &quot;La Laine des Alpes&quot;<br />
    Les petits mains d'une maison de couture parisienne mettent la dernière touche à des vêtements féminins élaborés à partir de la laine des Alpes. Les mannequins défilent dans un salon. Le commentaire s'adresse aux éleveurs pour leur rappeler leur mission première : servir leurs semblables qui ont besoin de leur production de laine, qu'il s'agisse de la fillette, du marin ou du nourrisson. <br />
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    Résumé du film<br />
    &quot;La laine des Alpes&quot; de Christian Destouches donne à voir le Champsaur du début des années 1960 (Prapic, Orcières, Champoléon, Le Chatellart). Le réalisateur filme des éleveurs attachés à produire une laine sans impuretés. De la toison fraîchement tondue à la fabrication des vêtements, ce documentaire montre les différentes étapes de la transformation de la laine depuis le geste manuel du savoir-faire artisanal jusqu'à l'utilisation de la machine industrielle des filatures.
      • Année
      • 1961
      • Producteur
      • COMITÉ NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DE LA LAINE
      • Réalisateur(s)
      • Christian DES TOUCHES
      • Cameraman
      • VAN EENOO
      • Son
      • Frédéric JEANNOT