L'élixir de longue vie

« C’est quoi ? – On boit et on demande ensuite ! ». La scène se déroule dans le film Boulevard de la mort (2007), de Quentin Tarantino. Une jolie fille sur les genoux, Warren, joué par Tarantino, fait découvrir le fameux breuvage à ses amis. Les verres sont avalés fissa. « Chartreuse ! s’exclame Warren. Une liqueur si bonne qu’elle a donné son nom à une couleur ! » Il n’en fallait pas plus pour redonner un sacré coup de jeune à une liqueur plusieurs fois centenaire. Songez que la formule de « l’Élixir de longue vie » fut transmise aux moines Chartreux en 1605 par le maréchal François Hannibal d’Estrées. Jugée trop complexe, la recette ne fut véritablement appliquée qu’à partir de 1737 par les religieux de la Grande Chartreuse, en Isère. Du silence du monastère aux bars branchés de New-York, la très pieuse liqueur a conquis le monde (50 % de la production est exportée) grâce notamment à la mode des cocktails. Les rockeurs de ZZ Top ont chanté la « Chartrouse » ; avant eux, le chanteur Tom Waits avait remarqué « qu’avec une pinte de Chartreuse verte, plus rien ne paraît normal » («with a pint of green Chartreuse, ain’t nothin’ seems right »). On veut bien le croire.

Le comédien et humoriste dauphinois Serge Papagalli en a fait un sketch fameux intitulé « la santé par les plantes ». Et oui car la Chartreuse est fabriquée avec plus de 130 plantes. Lesquelles ? Le responsable technique de la distillerie de Voiron (1) prétend qu’il ne connaît pas la recette exacte. Le secret est gardé par deux pères qui supervisent les différentes étapes nécessaires à la confection du précieux liquide. Les moines cueillent les plantes et remplissent d’immenses sacs prêts à l’emploi. Leur contenu est macéré puis passé dans l’alambic. Enfin, les religieux assemblent les distillats, ultime étape avant que la liqueur ne soit versée dans des fûts. Le tout prend trois semaines et demi. Aujourd’hui, l’élixir se décline en Chartreuse verte, jaune, en cuvée du millénaire ou encore en « VEP », comprenez « vieillissement exceptionnellement prolongé ». Cette maturation est assurée à Voiron, dans la plus longue cave à liqueur du monde (164 mètres), comme l’affirment les dépliants touristiques. Chaque jour, en moyenne, pas moins de 10 000 bouteilles sont expédiées depuis le site de production.

(1) La production doit déménager en 2020 à Entre-deux-Guiers, au pied de la Chartreuse. Le site de Voiron sera alors dédié à l’accueil du public.